Ces "social impact bonds" sont scrutés ailleurs dans le monde et ont déjà essaimé aux Etats-Unis.
Trouvaille en temps d'austérité ou démission de l'Etat? Qu'il s'agisse des sans-abris ou des prisonniers à réinsérer, les autorités britanniques commencent à faire appel, pour financer des politiques sociales, à des investisseurs rétribués au résultat.
Inauguré au Royaume-Uni en 2010, ce mécanisme porte le nom de "social impact bond" ("obligations à impact social"): une association est chargée par les pouvoirs publics de mettre en œuvre un programme à visée sociale, mais en utilisant des fonds privés.
Le risque financier est pris par l'investisseur -organisation philanthropique, fondation, particulier- et non par le contribuable, puisque l'argent public n'est versé qu'en cas de succès. Si le programme marche, l'investisseur touche des profits. Sinon, il peut en théorie tout perdre.
Ce mécanisme s'inscrit dans la philosophie de la "Big Society" promue par le Premier ministre conservateur David Cameron, visant à transférer des compétences de l'Etat vers la société civile, en sous-traitant de plus en plus de services publics. Il illustre la volonté du gouvernement d'encourager plus généralement une culture du "paiement au résultat".
"Nous sommes confrontés à des problèmes sociaux difficiles et tenaces, auxquels nous sommes déterminés à mieux répondre, mais nous avons moins d'argent: donc nous devons être beaucoup plus malins sur la façon dont nous le dépensons", explique à l'AFP le secrétaire d'Etat britannique chargé de la société civile Nick Hurd.
Ces "social impact bonds" sont scrutés ailleurs dans le monde et ont déjà essaimé aux Etats-Unis. David Cameron entend les promouvoir à l'occasion de la présidence britannique du G8.
Ce type de financement original a été inauguré en 2010 pour un projet à la prison de Peterborough (est) visant à aider 3.000 détenus condamnés à des courtes peines à se réinsérer à leur sortie.
Si le taux de récidive chute d'au moins 7,5%, les investisseurs perçoivent des intérêts pouvant aller jusqu'à 13% par an. Mais les premiers résultats de ce programme d'une durée de six ans ne devraient pas être connus avant 2014.
Depuis, une dizaine d'autres projets d'aide aux sans-abris, aux jeunes ou aux chômeurs ont été lancés sur ce modèle.
A Londres, deux associations, dont St Mungo's, ont été chargées par la municipalité de suivre 800 sans-abris et de s'occuper de leur réinsertion, pendant trois ans.
"Ce que nous dit la mairie en substance c'est: +ça nous est égal de savoir comment vous faites, tout ce qui nous importe c'est le résultat+, à la différence d'autres missions où on avait un cahier des charges précis", décrit à l'AFP Mike McCall, directeur des opérations à St Mungo's.
"Cela nous laisse les mains libres pour concevoir des solutions", dit-il.
Le comté de l'Essex (est), désireux de réduire ses dépenses liées à la prise en charge des mineurs à problèmes, a quant à lui mis en place un programme destiné à maintenir dans leurs familles 380 adolescents âgés de 11 à 16 ans, à améliorer leur comportement et résultats scolaires.
Les investisseurs ont mis sur la table 3,1 millions de livres (3,6 millions d'euros). Parmi eux figurent plusieurs fondations, la société d'investissement Bridges et Big Society Capital, institution financière notamment alimentée par des comptes bancaires inactifs.
Ces initiatives sont encore balbutiantes, souligne Alisha Helbitz, de Social Finance, organisation spécialisée dans l'investissement à visée sociale, à l'origine du développement des "social impact bonds".
Tant qu'on ne connaîtra pas les résultats "ce sera difficile d'amener plus d'investisseurs", juge-t-elle.
Pour Danyal Sattar, de la Fondation Esmée Fairbairn impliquée dans les projets de Peterborough et de l'Essex, l'attrait de ces programmes est lié à leur capacité d'adaptation et au sérieux de la prise en charge sur le terrain.
Si le gouvernement veut généraliser ce type de système et faire appel à des investisseurs ayant des visées plus lucratives, il "devra offrir des rendements consistants", prévient-il.