"la transition a débuté le 8 décembre dernier, lorsque le président a annoncé son départ à Cuba pour y subir une quatrième opération et a désigné le vice-président Nicolas Maduro comme son successeur au cas où"..
La publication d'un bulletin médical très pessimiste sur la santé du président vénézuélien Hugo Chavez vient selon les observateurs accréditer la thèse d'un plan gouvernemental visant à échafauder une transition progressive en faveur de son dauphin désigné Nicolas Maduro.
Jeudi soir, le gouvernement a pour la première fois émis un message inquiétant faisant état de l'évolution "défavorable" de l'insuffisance respiratoire dont souffre le président vénézuélien, âgé de 58 ans, depuis sa quatrième opération d'un cancer le 11 décembre dernier.
Ce message, qui contraste avec le ton optimiste des précédents communiqués, dissimule selon les analystes une stratégie politique du gouvernement, qui selon eux prépare le terrain pour la suite des évènements alors qu'il apparaît de plus en plus que la santé de Hugo Chavez ne lui permettra pas de gouverner jusqu'à la fin de son mandat, en 2019.
Ce type de message vise "à susciter l'émotion et le lien émotionnel avec le président ou à préparer progressivement (la population) à une mauvaise nouvelle", estime l'expert politique Luis Vicente Leon, de l'institut Datanalisis.
Le gouvernement "continue de préparer le chemin pour un changement politique", selon l'historienne Margarita Lopez Maya. Pour cette dernière, la transition a débuté le 8 décembre dernier, lorsque le président a annoncé son départ à Cuba pour y subir une quatrième opération et a désigné le vice-président Nicolas Maduro comme son successeur au cas où il venait à faire défaut.
Depuis, M. Maduro a pris de l'épaisseur dans la communication officielle, autrefois centrée sur la personnalité du charismatique et omniprésent Chavez.
Et le phénomène s'est accéléré depuis le 10 janvier, lorsque le président n'a pu prêter serment pour un nouveau mandat après sa réélection d'octobre 2012.
Ainsi, depuis mi-décembre, c'est désormais l'ancien conducteur d'autobus de 50 ans, venu à la politique par le syndicalisme, qui assiste aux sommets internationaux, préside les défilés et parades militaires et inaugure les chantiers publics devant les caméras et micros des médias nationaux.
Autre signe qui ne trompe pas: un nouveau slogan est apparu dans les nombreux clips pro-Chavez à la télévision nationale. L'un d'eux, intitulé "Con Chávez todo, sin Maduro y el pueblo nada" ("Tout avec Chavez, rien sans Maduro et le peuple", ndlr), cite pour la première fois le vice-président et diffuse les images d'un Maduro à l'époque où il était encore un jeune militant.
Mais selon Mme Lopez Maya, l'ex-ministre des Affaires étrangères, même s'il est un fidèle de la première heure, ne bénéficie pas encore d'un fort soutien des bases "chavistes". C'est donc pour s'assurer l'appui de ces partisans que M. Maduro est "très présent dans les médias et que le message est aussi radical envers certains médias (privés) et l'opposition", explique l'historienne.
Parallèlement, souligne-t-elle encore, le gouvernement cherche aussi "à maintenir la présence de Chavez dans les médias le plus longtemps possible" pour légitimer l'image de son dauphin.
Face aux spéculations entourant l'absence d'images et d'apparitions publiques du président depuis son retour en début de semaines, le gouvernement continue en effet d'affirmer que Hugo Chavez est toujours aux commandes.
Vendredi, les autorités ont dévoilé un document de huit pages selon elles écrites par le président et consacrées au sommet des chefs d'Etat de l'ASA (Afrique-Amérique du sud), qui se tenait vendredi en Guinée équatoriale. Hugo Chavez "est en proie à une maladie complexe, mais il n'abandonne pas ses prérogatives", a assuré vendredi le ministre des Affaires étrangères Elias Jaua en lisant cette lettre.
Dans un récent entretien à la BBC, le secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA) Jose Miguel Insulza estimait que la maladie de Chavez devait être observée "d'un point de vue politique" et que ses partisans ne pouvaient renoncer à leur dirigeant charismatique "du jour au lendemain" après 14 années passées à la tête du pays.
Aujourd'hui, "Chavez se trouve de nouveau au Venezuela, et je suppose que le moment des décisions est venu", ajoutait-il