En France, les propos islamophobes sont prononcés sans vergogne par des politiciens français. Pour ceux qui ont la mémoire, la condition des Musulmans aujourd’hui ressemble dangereusement à celle des juifs avant la guerre
Lundi, le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, a estimé que «l’accroissement » du nombre de musulmans en France « pose problème ». Des propos similaires à ceux tenus en 2007 par Nicolas Sarkozy lors d’un échange privé avec des dirigeants européens.
« Je poursuis un double objectif : rappeler l’importance de la laïcité, sa réalité, ses conséquences, et décrisper les relations entre les différentes composantes de notre société. La volonté du président de la République est de protéger l’unité nationale » : novice en politique, Claude Guéant semble pourtant déjà maitriser le double langage.
A contrario de ces paroles d’apaisement accordées au quotidien Ouest-France, le ministre n’a pas manqué de réaliser, lundi en déplacement à Nantes, un nouveau dérapage contrôlé en indiquant que «l’accroissement » du nombre de musulmans en France et « un certain nombre de leurs comportements posent problème ».
S’il voulait accentuer -à la veille du débat sur la laïcité organisé par l’UMP- la « crispation » à l’encontre d’une communauté ou fracturer «l’unité nationale », le bras droit de Nicolas Sarkozy ne s’y prendrait pas autrement.
L’inquiétude à propos du « nombre croissant » de musulmans évoque directement la thèse d’un groupuscule d’extrême droite, méconnu mais de plus en plus influent : le Bloc Identitaire.
Interrogé en décembre par Oumma lors des « Assises internationales sur l’islamisation », son président, Fabrice Robert, avait ainsi publié, en préalable de l’évènement, un communiqué dans lequel il s’interrogeait: « Et si notre problème n’était pas qu’il n’y a pas assez de mosquées en France, mais trop de musulmans ? »
Ce à quoi il nous donnait sa réponse en des termes sans équivoque : «A ce défi total, il faudra une réponse totale ».
Malgré son aspect marginal, ce militantisme idéologique des nouveaux réseaux de l’extrême droite semble gagner les esprits, du Front national à l’UMP en passant par l’Élysée.
En novembre 2007, le correspondant de Libération à Bruxelles, Jean Quatremer, avait rapporté une stupéfiante anecdote, passée inaperçue, au sujet de Nicolas Sarkozy : « L’histoire se raconte dans les chancelleries européennes. Selon mes sources, le chef de l’Etat s’est lancé dans un monologue confus d’une vingtaine de minutes, "dans un langage très dur, très familier, choquant pour tout dire", contre le "trop grand nombre de musulmans présents en Europe " et leurs difficultés d’intégration. Il a aussi décrit de façon apocalyptique le "choc de civilisation" qui oppose les musulmans à l’occident ».
Et Jean Quatremer de conclure : « Elles en ont, en tout cas, retiré la désagréable sensation que Sarkozy, non seulement avait un sérieux problème avec les musulmans, mais avait du mal à maîtriser ses nerfs. »
« Sarkozy, nous voilà » ?
Nicolas Sarkozy, un authentique islamophobe viscéral plutôt qu’un tacticien électoral surfant sur la peur des musulmans ?
Son ancien conseiller à la diversité, Abderahmane Dahmane, paraît en tout cas ébranlé par son bref passage à l’Élysée : s’il réserve essentiellement ses critiques à l’endroit de Jean-François Copé, qualifié de « peste pour les musulmans », il n’a pas craint d’appeler ses coreligionnaires à porter une « étoile verte » pour dénoncer la stigmatisation en cours.
Une outrance qui a fait flop : les Musulmans de 2011 ne sont certainement pas dans la situation des Juifs de 1942, même si des analogies ont déjà commencé à prendre forme.
C’est le régime de Vichy qui, le premier, s’inquiéta du nombre de citoyens « israélites » sur le territoire au point de préconiser, au fur et à mesure, une réglementation spécifique qui allait aboutir à distinguer un « statut des Juifs ».
De même que se développait dans l’entre-deux guerres une sorte d’ «antisémitisme primaire », il est dorénavant familier d’observer journalistes décomplexés et politiques en campagne électorale mettre en scène –et dramatiser- le « problème » musulman.
En 1946, dans son ouvrage de « Réflexions sur la question juive », Jean-Paul Sartre faisait une remarque qui semble toujours d’actualité : « Si un homme attribue tout ou partie des malheurs du pays et de ses propres malheurs à la présence d’éléments juifs dans la communauté, s’il propose de remédier à cet état de choses en privant les juifs de certains de leurs droits ou en les écartant de certaines fonctions économiques et sociales ou en les expulsant du territoire ou en les exterminant tous, on dit qu’il a des opinions antisémites. Ce mot d’opinion fait rêver... ».
Qu’en est-il aujourd’hui de la banalisation de « l’opinion » islamophobe?
Le sénateur Robert Badinter a récemment donné, avec vigueur, une réponse éloquente. Après avoir fustigé la mise en place d’une «ghettoïsation morale des musulmans », l’homme dont le père fut déporté sous l’Occupation n’a pas hésité à faire un parallèle historique entre le sort des deux communautés.
« Ça m’a ramené soixante ans en arrière quand il y avait des "Français d’origine juive". Qu’est-ce que c’est que ça, dans la République ? Assez, avec ça ! »
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